PROLOGUE
Campé sur la passerelle de sa frégate de classe Nébulon-B, le pirate Urias Xhaxin croisa les mains dans son dos, la sénestre cybernétique serrée dans la dextre, de chair et d’os. La conception de son vaisseau, l’Indépendant, avec sa proue en forme de flèche, lui donnait le sentiment de voler seul dans les territoires de la Bordure Extérieure… où nul être sain d’esprit n’aurait voulu s’aventurer.
Il regarda le Twi’lek affecté à la navigation.
– Combien de temps avant la réversion, Khwir ?
Le tentacule crânien du Twi’lek se tortilla comme un serpent.
– Cinq minutes.
Xhaxin activa l’unité com clippée à son col.
– A tout le personnel, ici Xhaxin. Escadrons Rouge et Bleu, préparez-vous à décoller. Vous gagnerez les vecteurs extérieurs pour neutraliser les petits yachts. Artillerie, nous nous concentrerons sur l’escorte. Que tout le monde fasse attention, et ce sera peut-être la dernière opération que nous devrons faire ! Je sais que vous travaillerez tous de votre mieux. Xhaxin, terminé.
Une femme aux cheveux noirs approcha de Xhaxin.
– Pensez-vous que ce raid nous rapportera assez pour que nous prenions notre retraite ?
– Ça dépend de la qualité de retraite que vous désirez, docteur Karl, dit l’homme à la barbe et aux cheveux blancs. Vos talents vous permettront de gagner votre vie n’importe où dans la Nouvelle République. Et votre part du butin devrait vous aider à vous forger une ou deux nouvelles identités.
– Depuis que la paix a été signée entre les Vestiges de l’Empire et la Nouvelle République, il y a six ans, nous avons été obligés de viser des cibles de plus en plus insignifiantes. La Nouvelle République n’a jamais approuvé nos actions, mais elle fermait les yeux tant que les Impériaux la menaçaient encore. A l’époque les profits étaient bons, mais il y a de moins en moins de « travail ». Ce raid sera-t-il différent ?
– C’est une bonne question. La réponse est oui. Je le sens dans la moelle de mes os. Ce raid ne ressemblera pas à ceux des cinq dernières années.
– Vous vous prenez pour un Chevalier Jedi, maintenant ? lança Anet Karl en souriant. La Force vous souffle comment se passera cette opération ?
– Non ! Je suis beaucoup plus terre à terre qu’un Jedi… et plus dangereux. J’ai près de neuf cents personnes à bord, soit neuf fois plus qu’il y a de Jedi dans la galaxie. Même s’ils ont la Force de leur côté, j’ai deux alliés puissants : la cupidité et l’arrogance.
– Oui, votre plan est bon…
– Correction : il est génial. Nous laissons passer quelques vaisseaux parce qu’ils voyagent ensemble. Puis j’infiltre un type qui prétend pouvoir guider des convois à travers l’espace profond, en direction des Vestiges. Les gens nous ont suppliés pour décrocher une place dans notre convoi ! Ils ont payé grassement le privilège de voler en sécurité.
– Mais il n’y aura pas de voyage, c’est ça ? Les crédits que nous avons touchés sont seulement un acompte…
– Exactement. Nos pigeons se sont réunis à Garqi. Le dernier devrait arriver au point de rendez-vous dans dix minutes. Nous récupérerons ce qui nous intéresse à bord des navires qui sont déjà là, puis nous filerons. Une opération brillante ! Les gens se souviendront de ce raid. J’aurais préféré que l’histoire célèbre mon nom pour d’autres raisons, mais ça sera déjà bien, surtout si mon équipage est récompensé de son travail.
Anet Karl regarda les humains et les non-humains de la passerelle.
– Nous n’aimons pas beaucoup l’Empire non plus, capitaine. Nous vous devons beaucoup. Vous nous avez gardés en vie, en plus de nous avoir donné l’occasion de lui rendre la monnaie de sa pièce ! Ça ne nous gênerait pas de continuer…
– Je sais, mais la Nouvelle République a fait la paix avec les Vestiges. Il ne faut pas sous-estimer l’intérêt de la paix. Peut-être avons-nous gagné le droit de la connaître aussi.
– Dix secondes avant la réversion, capitaine.
– Merci, Khwir. (Xhaxin désigna la verrière.) Regardez, docteur ! Notre destinée !
Le tunnel de lumière se transforma en milliers d’étoiles.
Ils étaient littéralement au milieu de nulle part : un point de l’espace choisi parce que les forces gravitationnelles le rendaient adéquat pour aller rapidement de Garqi à Bastion, dans les Vestiges Impériaux.
Cet endroit aurait dû être vide !
Mais il ne l’était pas. En plus de l’épave d’un cargo finissant de se consumer, des nacelles d’évacuation et des yachts filant dans tous les sens, un immense objet flottait dans l’espace. Xhaxin crut d’abord qu’il s’agissait d’un astéroïde. Des rochers plus petits orbitaient autour de lui, puis fonçaient sur les yachts pour les attaquer.
Et voilà qu’ils se dirigent vers nous !
– Relevez les boucliers ! Déployez les chasseurs ! J’ignore comment quelqu’un a réussi à placer un moteur d’hyperdrive dans un astéroïde, mais il ne nous volera pas nos proies ! Artillerie, analysez ce gros caillou et tirez-lui dessus. Je veux le faire éclater.
– A vos ordres, capitaine.
Xhaxin comprit que l’hypothèse d’un astéroïde mobile n’expliquait pas les plus petits rochers qui l’entouraient, se déplaçant comme des chasseurs.
– Détecteurs, que se passe-t-il ?
Un Duros examina un écran holographique, son visage allongé plus morose que de coutume.
– Des anomalies gravitationnelles autour de nous, monsieur.
– Des rayons tracteurs ? De générateurs de puits de gravité ?
– Non, monsieur. Des rayons plus étroits et plus focalisés. Plus puissants.
Les batteries de turbolasers de l’Indépendant ouvrirent le feu sur l’astéroïde. Quelque chose dévia les rayons laser, qui disparurent à un kilomètre de leur cible.
– Qu’est-il arrivé ? Artillerie ? Détecteurs ?
L’artilleur, un Iotran nommé Mirip Pag, avait l’air sidéré.
– La cible était verrouillée, capitaine !
Lun Deverin, le Duros, montra la sphère qui grossissait sur son écran.
– Une anomalie gravitationnelle a attiré les rayons. Comme s’ils utilisaient un trou noir en guise de bouclier !
La sphère approcha de la frégate. Quand le contact se fit, le navire vibra.
Le bouclier tribord était désactivé.
– Tournez à 57 point 12 ! Evitez ce rayon !
– Un autre arrive, capitaine. Il vise le bouclier arrière !
Au poste de contrôle des chasseurs, Pen Grasha cria :
– Capitaine, nos appareils perdent leurs boucliers ! Leur artillerie ne parvient pas à toucher l’ennemi.
– Préparez-vous à l’impact, dit le Duros. Ils nous ont tiré dessus.
L’impact ?
Xhaxin se tourna vers la verrière et vit une boule de feu fondre sur son vaisseau, le frappant à bâbord. Le bouclier se dissipa en quelques secondes. Puis la boule de feu, peut-être du plasma, enveloppa le blindage renforcé de la coque de l’Indépendant.
Déséquilibré par le choc et la fluctuation de gravité du vaisseau, Xhaxin fut projeté contre le docteur Karl. Ils s’écrasèrent sur le sol. Xhaxin se leva et tendit la main au docteur pour l’aider à se redresser.
– Qu’est-ce que c’était ?
– Je l’ignore, capitaine, mais ça continue à ronger la coque ! Elle cédera dans vingt secondes au niveau du pont sept.
– Evacuez la zone et fermez les cloisons étanches.
– D’autres projectiles approchent ! Non ! C’est impossible !
Serrant les poings, le capitaine lutta contre la panique. C’est le moment d’être le genre d’homme qui inspire une loyauté absolue à son équipage.
– Pen, rappelez nos chasseurs. Récupérez d’abord ceux qui n’ont pas d’hyperdrive. Khwir, calculez un cap hyperspatial pour sortir de là.
Le tentacule du Twi’lek pâlit.
– Les anomalies gravitationnelles se déplacent sans cesse. Impossible de calculer un saut…
– Sont-elles assez fortes pour nous empêcher d’entrer dans l’hyperespace ?
– Non, mais…
– Alors, sautez à l’aveuglette ! Envoyez les coordonnées à nos chasseurs.
– Capitaine, ça pourrait nous tuer !
– Ces types, là dehors, nous tueront à coup sûr ! Allez, Khwir, exécution !
– A vos ordres, capitaine.
Xhaxin regarda la verrière. Une autre boule de feu arrivait. Il ignorait qui étaient ses ennemis, pourquoi ils attaquaient et comment fonctionnaient leurs armes.
L’espace sembla exploser devant lui.
A cet instant, il comprit : même si obtenir les réponses à ses questions lui vaudrait une certaine paix de l’esprit, il n’en irait pas de même pour la Nouvelle République.